Tank Battles: Songs of Hanns Eisler (1988) – 620 jours, 723 albums

J’ai ensuite découvert un album plutôt particulier, d’une chanteuse presque indéfinissable. Avec un semblant de base classique, mais avec une déconstruction et une décadence dans les formes, Tank Battles: Songs of Hanns Eisler de Dagmar Krause m’a bien surpris.

Dagmar Krause - Tank Battles - Songs of Hanns Eisler

En fait, l’album m’a laissé à la fois perplexe et fasciné. Une sorte d’opéra allemand, mais discordant, qui m’a rappelé certains albums de free jazz, ou The Trial de l’album The Mad Hatter, de Chick Corea. Un monde musical habité par la tourmente, la déconstruction, bizarrerie, et juste un brin de folie, avec des décors dénudés par des arrangements musicaux simples, mais d’une luminosité perçante, aux pourtours sombres, avec des formes qui sortent à l’occasion de l’ombre, ou s’y fondent de nouveau : voilà, en gros, ce que nous présente Krause. Pour vous faire une meilleure idée, écoutez donc The Ballad of the Sackslingers. En voici une version live.

Ce morceau est plus mélodieux que beaucoup d’autres sur l’album. Et c’est ce qui fait la force de Krause : de pouvoir marier les deux, rendant ainsi le contraste encore plus saisissant qu’on ne le croirait possible. Et, de la manière qu’elle mêle harmonieux et discordant, elle mêle les tempos, passant de rapide à lent, de lent à rapide, nous surprenant à tous les tournants.

Comme l’album compte pas moins que 36 morceaux, en voici quelques uns sur lesquels vous devriez vous attarder davantage : le long et complexe Lied Von Der Belebeden Wirkung des Geldes, le très harmonieux et doux Chanson Allemande, le tragique Song of a German Mother, le triomphant Bankenlied, puis enfin The Wise Woman and the Soldier au style de musical. Après ce morceau, l’album perd un peu de sa saveur, ou de son originalité. Mais avant de terminer ma critique, il faut que vous écoutiez The Song of the Whitewash, qui ouvre l’album de la plus belle façon possible, en vous plongeant dans l’atmosphère sans aucun compromis. La qualité de cette vidéo n’est pas géniale, mais c’est définitivement l’autre morceau de l’album que vous devez écouter.

Tommy (1969) – 801 jours, 889 albums

Avec Tommy commencent ensuite les 6 derniers et nouveaux albums que j’ai écoutés. Cela faisait bien longtemps, également, que je voulais prendre le temps d’écouter le mythique opéra rock de The Who.

Je n’en ai écouté l’histoire que distraitement, mais il s’agit en gros de l’histoire d’un enfant né aveugle, sourd et stupide. L’important, surtout, c’est que l’album est construit comme un opéra. Certaines techniques du style sont reprises, c’est-à-dire qu’il s’agit véritablement d’une histoire contée musicalement et chantée, à travers plusieurs morceaux qui font avancer l’intrigue, plutôt qu’un album rock plus conventionnel, ou un album concept comme ceux qui l’ont précédé, où l’histoire est davantage une excuse ou un simple fil conducteur pour faire quelques morceaux avec un thème plus ou moins commun. Ici, c’est vraiment une histoire qui est racontée, mais sous une musique rock bien propre aux Who plutôt que sous de la musique classique. Restent néanmoins la construction des tensions dans l’histoire, la montée de l’appréhension, la libération dramatique des derniers morceaux ou des moments-clé de l’intrigue.

Cela dit, plusieurs morceaux, ou moments de l’opéra, peuvent être sortis du lot par leur qualité et leur beauté intrinsèques. 1921, par exemple, m’a fait entrer dans l’album assez rapidement par sa qualité. L’intense et dramatique Eyesight to the Blind (The Hawker) m’a aussi bien impressionné. Christmas, tout de suite après, est également bien digne de mention, et même de votre attention.

Il représente aussi assez bien la trame de l’opéra. Le touchant moment du « See me, feel me, touch me, heal me » est venu me faire frissonner.

Un peu plus loin, Pinball wizard fait définitivement office de meilleur morceau de l’album, étant un hit remarquable à lui seul.

C’est ce que j’ai trouvé agréable et talentueux sur l’album de la part des membres du groupe. Ils ont su faire un véritable opéra, mais tout en y incorporant quelques grands morceaux de rock comme seulement eux savent les faire. Ces quelques morceaux s’intègrent parfaitement à l’intrigue, mais tout en transcendant l’album à la fois.

Enfin, Go to the Mirror m’a aussi marqué. Malheureusement, le reste de l’album m’a laissé plutôt indifférent. J’ai bel et bien senti une montée dramatique et la résolution musicale de l’intrigue, mais celles-ci ne m’ont pas interpellé outre mesure. Je dois aussi dire que l’album m’a semblé un peu long et, donc, il avait quelques longueurs. Cela dit, il vaut certainement l’écoute, malgré quelques défauts inévitables. Mais l’album m’a surtout donné le goût d’écouter un peu plus du rock pur et franc du groupe. Dans un prochain album, bientôt…