Blue (1971) – 221 jours, 504 albums

Joni Mitchell - BlueAvec son chant folk et émotif aux accents jazzy, Joni Mitchell est une artiste écoutée avec passion par plusieurs. Blue est un des quelques albums de l’artiste qui se trouvent dans ce défi: signe que l’artiste jouit d’une grande reconnaissance.

Mais comme avec plusieurs autres voix du vocal jazz, l’attachement d’un auditeur envers un artiste est souvent une question de personnalité. La voix toute particulière de Mitchell, avec ses inflexions et son timbre plus aigu, et son chant personnel et intime peuvent en laisser plusieurs indifférents. Alors que pour d’autres, ce sera le coup de foudre. Après une écoute plus prolongée (trois ou quatre écoutes), on finit tout de même par s’attacher.

My Old Man est particulièrement émotive. Le discret piano laisse toute la place à la voix, ici de virtuose, de Mitchell, avec des inflexions tourmentées et mélancoliques. Little Green fait place à une simple guitare acoustique et la voix est plus posée, mais toujours dans une ambiance bleue. Blue est très intime et frissonnant. California donne davantage dans le folk, comme le plus énergique This Flight Tonight.

Si vous n’accrochez pas tout de suite, donnez-lui une deuxième chance: on s’entiche assez facilement, sans que cela ne doive devenir l’amour fou. Le folk sauce jazzy est fort appréciable, et la douceur de Joni Mitchell n’est pas à ignorer. Mais il est aussi possible que vous aimiez, beaucoup, dès les premières notes.

Sarah Vaughan at Mister Kelly’s (1958) – 304 jours, 558 albums

Le vocal jazz de Sarah Vaughan est juste l’une de ces choses… Et comme tout enregistrement live de jazz, Sarah Vaughan at Mister Kelly’s a une énergie à la fois vivante et intimiste. L’écouter, c’est inviter une diva du jazz dans son salon, pour un soir, histoire de la connaître un peu.

Sarah Vaughan - At Mister Kelly's

Elle chante et elle expose son cœur. Le sien, et celui de plusieurs standards du jazz. Elle reprend les Willow Weep for Me, Just One of Those Things et Just a Gigolo qui ont formé le vocal jazz de leur époque et des autres. Elle les fait redécouvrir à une audience de cabaret, où on imagine les amoureux, gênés, se tenant la main et se faisant les yeux doux. À quelques moments, ils suivent le rythme du pied, mais à peine: on les imagine surtout rêveurs.

Avec des arrangements discrets au piano et à la batterie, c’est la voix de Vaughan qui est mise en valeur. Langoureuse, amoureuse ou bleue, elle n’est jamais déchirante. On pourrait lui reprocher de manquer d’un peu de miel, mais on cherche surtout une délicatesse et une intimité. On les trouve, sur le simple mais émouvant Dream, et sur d’autres morceaux connus ou moins connus, mais tous aussi personnels.

Le vocal jazz ne tient qu’à une chose: l’artiste. Il faut s’en faire un ami pour aimer. Certains caractères s’entendent bien, d’autres moins. Pour Vaughan, il m’a fallu une seconde écoute pour mieux l’apprivoiser. Je sens qu’avec une troisième, nous deviendrons de grands amis.

Sings the George and Ira Gershwin Song Book (1959) – 413 jours, 590 albums

George Gershwin : l’un des meilleurs compositeurs américains. Ella Fitzgerald : l’une des meilleures chanteuses de jazz de tous les temps. Lorsque cette dernière décide de reprendre toute l’oeuvre musicale du premier, ça donne Sings the George and Ira Gershwin Song Book : plus de 4 heures de jazz, de classique et d’élégance.

Ella Fitzgerald - Sings the George and Ira Gershwin Song Book

Il y a de ces albums d’une telle ampleur qu’ils ne peuvent s’écouter d’un seul coup, ou presque. Les 3 disques et 3 heures de celui-ci demandaient un moment spécial, attitré. On ne peut y plonger à coups de 15 minutes : il faut se laisser porter. Un roadtrip pour l’Abitibi-Téminscamingue était donc le moment parfait. Pour ne pas trop ennuyé mes passagers, j’ai écouté un album en me rendant, et les deux autres en revenant. Et au moment d’écrire cette critique, je me suis aperçu qu’il y avait un quatrième disque, dont je termine l’écoute en ce moment même (des alternate takes pour la plupart). Mais reste que l’expérience se rapprochait de celle vécue lors de ma découverte (et redécouverte) de Bitches Brew de Miles Davis : on se perd dans l’oeuvre en voyant défiler le paysage autour de soi.

Premièrement, j’ignorais que Gershwin et son frère avaient composé autant de chansons. Deuxièmement, davantage de ces morceaux sont des standards que je ne l’aurais cru ! Let’s Call the Whole Thing Off est l’un d’eux, un classique que vous connaissez sûrement, portant sur les variations de prononciation des mots de la langue anglaise : un joyau. They All Laughed est aussi un de mes favoris.

Oh, Lady Be Good est de ceux-là également, tout comme l’indémodable Foggy Day.

Il y a aussi I Got RhythmEmbraceable YouI’ve Got a Crush on You, et j’en passe.

Ainsi, que vous désiriez découvrir l’homme ou la femme, cet album est le lieu parfait pour le faire. Voyez sa longueur comme une mine dans laquelle on ne cesse de découvrir de petites pépites dorées à chaque tournant.

Songs for Swingin’ Lovers! (1956) – 471 jours, 629 albums

Pour changer un peu de ton, et parce que le jazz commençait à me manquer un peu, j’ai décidé d’écouter Songs for Swingin’ Lovers de Frank Sinatra.

Frank Sinatra - Songs for Swingin' Lovers

J’ai l’impression que cela fait une éternité que je n’ai pas écouté de jazz. Il faut dire que ce défi en comporte peu, et que je prends rarement le temps, à côté, pour en écouter. J’ai donc fait un retour en arrière pour en écouter quelques uns, dont celui-ci. Il faisait déjà partie de mon défi jazz, mais le réécouter fut un plaisir. J’aime toujours me replonger dans des morceaux comme You Make Me Feel So Young, un véritable classique.

J’ai aussi apprécié le romantique Too Marvelous for Words, le merveilleux et très imagé Pennies from Heaven qui me fait rêver, le classique I’ve Got You Under My Skin (quoique la version de Sinatra n’est pas ma favorite), le touchant I Thought About You… Que voulez-vous : je suis un grand romantique, et un album tel que celui-ci est loin de me laisser indifférent. Le charme des belles années, les cuivres langoureux, la voix de crooner, les violons larmoyants ou joyeux, tout y est pour me satisfaire. Mais mon coup de coeur de l’album demeure certainement How About You?.

Surtout que ce morceau me montre à quel point je suis près de Sinatra, que nos intérêts sont semblables. A Gershwin Tune? Et pourquoi pas un morceau de Sinatra ?

Come Away with Me (2002) – 476 jours, 629 albums

Histoire de demeurer dans la musique calme et relaxante, j’ai écouté le vocal jazz de Norah Jones, sur son album Come Away with Me.

Norah Jones - Come Away with Me

J’ai toujours eu plus de difficultés à apprécier Norah Jones, pour une raison ou pour une autre. On a beau aimer le jazz et le vocal jazz, on dirait que certains artistes viennent nous toucher droit au coeur, alors que d’autres nous laissent plutôt indifférent. Ce n’est pas une question de talent, mais simplement une question d’affinités, j’imagine. Mais cela ne m’empêche pas de voir tout le talent de Norah Jones, et d’apprécier sa musique. En fait, je dois même dire qu’en lui laissant une nouvelle chance, et en écoutant attentivement cet album, elle pénètre déjà un peu plus ma peau. Qui sait : peut-être que bientôt elle touchera mon coeur. Mais pour le moment, j’apprécie tout autant Don’t Know Why, mais simplement pour son côté accrocheur et sensuel.

Feelin’ the Same Way est aussi intéressante, avec ses influences folk. Shoot the Moon était délicat et fragile, doux aux oreilles. Turn Me On a retenu davantage mon attention, et il m’a semblé plus senti, plus viscéral et personnel.

Enfin, Nightingale et The Nearness of You valent également votre intérêt. Mais comme, pour moi, il est difficile de deviner ce qui vous touchera et ce qui vous laissera indifférent, je vous laisse découvrir le reste par vous-mêmes. Peut-être que cette artiste de talent saura vous atteindre plus que moi.

Tidal (1996) – 500 jours, 642 albums

Pour rester dans la veine des chanteuses féminines, j’ai pris le temps d’écouter un album de Fiona Apple, soit l’excellent Tidal.

Fiona Apple - Tidal

J’ai découvert Fiona Apple à l’université, dans un bar, un après-midi où je révisais du grec. Je suis tout de suite tomber sous le charme de cette voix divine, un peu jazzy. Sans attendre, j’avais été demandé le nom de la chanteuse, griffonnant son nom dans mes notes de cours. Ce fut donc un plaisir de la retrouver dans ce défi, surtout sur un album aussi puissant et poétique que celui-ci. À réentendant Sleep to Dream, un frisson m’a saisi, et je fus séduit de nouveau.

Une voix profonde, quelques subtiles notes de piano, un gros tambour pour marquer le rythme, qui vient rejoindre la voix relativement grave, basse, de Apple : tout y est pour faire un morceau saisissant, et un brin éthéré. Un peu plus loin, c’est Shadowboxer qui retient mon attention, avec sa batterie jazzy, son piano toujours à point, et ses quelques violons pour agrémenter. Tout de suite après vient l’ambiance mystérieuse de Criminal et son refrain juste assez pop.

Autre morceau qui mérite votre attention (même si tout l’album la mérite, selon moi) : Never Is a Promise et son ambiance plus mélancolique et sentimentale.

Sinon, j’ai bien hâte de réécouter d’autres oeuvres de cette merveilleuse chanteuse qui sait me séduire à chaque morceau.

Swordfishtrombones (1983) – 653 jours, 777 albums

Je me suis ensuite laissé tenter par un autre album de Tom Waits. Cette fois, il s’agissait du bien particulier Swordfishtrombones.

Tom Waits - Swordfishtrombones

Cet album est supposé marquer un tournant décisif dans la carrière de Waits. Pourtant, il me semble que je n’y ai vu pas tant de changements drastiques que cela. Certes, l’ambiance est un peu différente, et les arrangements musicaux aussi. L’album m’a semblé plus sombre que les autres, plus mélancolique. Certains morceaux étaient davantage expérimentaux que ce à quoi on pourrait s’attendre. Mais sinon, la voix est la même, toujours enrouée et émotive, faisant penser à un crooner ravagé par l’alcool et les misères de la vie. L’émotion, en général, me semblait plutôt semblable, tout comme l’inspiration. Bref, je n’ai aucune difficulté à croire qu’il s’agit d’un même artiste, et d’une même carrière. Mais bon, ce n’est que mon troisième album de l’artiste, alors…

L’album s’ouvre avec le pesant et rythmé Underground qui, je dois bien l’admettre, se placerait plus difficilement sur un de ses précédents albums. Mais Shore Leave, qui suit, m’a paru moins étonnant. Il n’est que plus caverneux, complexe, introspectif.

Par contre, 16 Shells from a Thirty-Ought Six avait cette même énergie de cabaret que j’ai appris à adorer chez Waits. La seule chose qu’il manque, c’est peut-être un piano, mais sinon… Town With No Cheer, un autre excellent morceau, est venu me chercher au coeur, avec son lyrisme poignant.

Sinon, je me suis aussi délecté aux paysages musicaux de Just Another Sucker on the Vine. Juste assez pour me faire patienter d’ici le prochain album de ce remarquable artiste.

Heartattack and Vine (1980) – 661 jours, 785 albums

Enfin ! Internet était revenu chez moi ! Sans plus attendre, j’ai donc profité de l’occasion pour écouter un album de Tom Waits, qui avait été la révélation lorsque j’avais écouté un premier album de l’artiste. Cette fois-ci, ce fut Heartattack and Vine.

Tom Waits - Heartattack and Vine

J’ai aimé retrouver sa voix éraillée, cette fois accompagnée d’une guitare sale et blues dès le morceau éponyme qui ouvre l’album. Même si c’est plutôt le second morceau, In Shades, purement instrumental, qui m’a accroché en premier sur l’album. Simplement une ambiance calme, à la fois de jazz et de blues, avec des bruits de bar en arrière-plan; voix lointaines, verres qui s’entrechoquent, etc. D’une simplicité qui accentue l’intensité du morceau et son ambiance.

Saving All My Love for You est aussi venu me toucher, cette fois par son émotion et son propos romantique. Quoique j’ai trouvée la voix de Waits trop grave sur ce morceau, trop ronde, ironiquement. Je la préfère définitivement rude et enrouée. Et l’autre morceau qui mérite votre attention serait Jersey Girl.

Son ambiance feutrée, son ton mélancolique et la voix, cette voix viscérale de Waits, ont bien créé quelques frissons chez moi. Cela dit, je préféré moins cet album que le précédent que j’ai écouté, soit Nighthawks at the Diner. J’ignore trop pourquoi, mais il me semble que l’ambiance de salon, avec les histoires, me semblait plus intime, plus touchante, que cette simple compilation de morceaux sans contextes ni présentation. Mais il faut aussi que je dise que Waits m’apparaît comme un artiste complexe et difficile à déchiffrer. Ses morceaux sont difficiles à pleinement saisir, ne serait-ce que par la difficulté de la langue. Ainsi, comme souvent, quelques écoutes de plus s’imposent pour l’avenir.

Nighthawks at the Diner (1975) – 771 jours, 847 albums

Un autre nom incontournable de la musique que je m’impatientais de connaître : le mystérieux Tom Waits. J’en avais entendu parler, mais je n’avais jamais entendu sa musique. Du moins, pas en le sachant… Mais j’avais quelques uns de mes amis qui ont partager de ses morceaux, et je n’avais pas pu m’empêcher d’écouter un peu. Et n’y tenant plus, j’ai donc écouté un album de cet artiste, et ce fut Nighthawks at the Diner.

Alors que je croyais qu’il s’agissait d’un musicien country ou encore d’un chanteur crooner, je fus surpris, mais ô combien satisfait, de découvrir une voix enrouée sur fond de jazz et de blues. En fait, il s’agissait même d’une véritable mise en scène, avec l’audience qu’on entend applaudir et rire, avec Waits qui raconte quelques histoires entre les morceaux, sur fond musical, prenant son temps, recréant l’atmosphère d’un spectacle donné tard dans la nuit, dans un bar ou un salon où on peut voir la fumée des cigares voler au-dessus des têtes.

Durant cette soirée de plus d’une heure, on découvre différents morceaux, comme On a Foggy Night qui est plus calme et posé, enfumé même, ou l’accrocheur Eggs and Sausage (In a Cadillac with Susan Michelson) avec son piano d’un charme exquis.

Sérieusement, un piano, une contrebasse et une voix comme celle-là : voilà tout ce dont j’ai besoin pour passer une agréable soirée musicale. Par cette simplicité, l’intensité s’en trouve décuplée, et les frissons deviennent fréquents et saisissants.

Deux autres morceaux qui ont réussi à sortir du lot, malgré la qualité exceptionnelle de l’album, sont Putnam Country qui est raconté comme une histoire, et Share Parts I (A Nocturnal Emission). Mais c’est particulièrement Nobody et sa poésie qui m’ont accroché le plus.

Je l’ai trouvé d’un romantisme saisissant.

Vous vous demandez peut-être comment je peux aimer la voix enrouée et difficile de Tom Waits et détester celle de Bob Dylan. La réponse est simple : celle de Waits est musicale, harmonieuse, et sait faire passer l’intensité de ses morceaux et de leur poésie à merveille, malgré son aspect rude. Celle de Dylan manquait tout simplement de charme et d’attrait. Outre la qualité de sa voix, il chante tout bonnement mal, à mon avis. C’est pourquoi j’ai hâte d’en découvrir davantage sur le premier, et que je considère comme difficile de découvrir de nouvelles oeuvres du second.